20 Ans [1983/2003] 6 Films de Melvil Poupaud
Melvil Poupaud est plus connu du grand public sous la facette de l’acteur. Quelques personnes se souviennent aussi peut-être qu’il a, avant de sortir un album solo il y a trois ans, fait partie avec son frère Yarol et Hopi Lebel du groupe MUD, qui a sorti deux albums. C’est une corde supplémentaire de son arc artistique qu’il dévoile avec ce DVD. Melvil Poupaud connaît une autre façon de se mettre en scène et il le fait avec beaucoup de talent.
A LA GRÂCE DE L’ENFANCE
Melvil Poupaud ne sait pas exactement combien de films il a tourné, ce DVD ne représentant qu’un échantillon du total. Les films choisis sont présentés de façon chronologique ce qui permet de voir l’évolution du jeune homme de dix ans à l’homme, vingt ans plus tard. Le jeune Melvil a neuf ans quand, grâce à sa maman attachée de presse, il rencontre Raoul Ruiz. Celui-ci le fera tourner sept fois, et pour son premier rôle il sera un jeune enfant assassin dans La Ville des pirates. Cela lui a donné des idées et avec son premier cachet il s’offre une caméra vidéo JVC et Johnny Mac entre en scène. Un sombre polar qui finit mal et qui pour la première fois introduit le thème du double qui sera présent dans nombre de ses films. En effet, le jeune Melvil interprète les deux personnages principaux, prouvant du haut de ses dix ans qu’il avait déjà compris comment le montage fonctionnait. Le petit garçon veut grandir vite et c’est une histoire d’hommes qui boivent du gin et se servent d’arme à feu qu’il mets en scène. L’année suivante il récidive avec Ces jours où les remords vous font vraiment mal au cœur, un conte fantastique découpé en cinq épisodes sur le thème du remord. Pour ces deux films Melvil a la chance de travailler avec Jorge Arriagada qui n’est autre que le compositeur attitré de Raoul Ruiz, une rencontre décidément placé sous une bonne étoile pour le jeune garçon. Yarol Poupaud, musicien accompli - FFF, était aussi de la partie tout comme sur le film suivant 3 jours… qui nous montre une fois de plus le désir du jeune homme d’en finir avec cette jeunesse qui s’éternise. Ici c’est trois jours bloqué tout seul à la campagne qui le mène au bord de la déprime, les poules et les vaches en prennent d’ailleurs pour leur grade ! Mais lisant entre les lignes peut-être que c’est trop de temps passé dans l’adolescence qui frustre le jeune homme qui veut brûler les étapes. Il a quinze ans quand il tourne ce film et à l’écran il conduit, il fume, et a déjà une vie bien remplie.
BIENVENUE DANS MON MONDE
Si bien remplie qu’on le retrouve onze ans plus tard devant et derrière sa caméra. Ce sera pour Quelque Chose. Il se retrouve face à lui-même, interprétant une nouvelle fois les deux rôles de ce huis clos métaphysique qui voit deux hommes, à moins que ce ne soit deux personnalités du même homme, se battre pour obtenir ce « quelque chose » sans lequel leur vie n’a pas de sens. Un film à la première approche déroutante mais une chose est certaine avec Melvil Poupaud c’est qu’il prend plaisir à faire ses films et en donne donc forcément, du plaisir. Changement de ton deux ans plus tard. Melvil a tourné avec Eric Rohmer dans Conte d’été et son Rémi en est le plus beau clin d’oeil. On sent tout de suite la couleur du maître dans le court-métrage. Melvil s’entoure pour la première fois de trois autres personnes, et pousse les dialogues et autres situations à un degré extrême de l’absurde. Rémi est en cela un film à part dans la filmographie du réalisateur, plus un clin d’œil à Rohmer qu’une vraie continuation de son « œuvre ». Et avec Pronobis en 2003 il retrouve son terrain de jeu favori : Les méandres de l’âme humaine. Car Melvil Poupaud explore à travers ses films ce qui se passe dans sa tête, ses peurs, ses angoisses. Le petit garçon qui voulait grandir trop vite a fait place à l’homme confronté avec son époque. Ce film est classé dans le tiroir fantastique mais il pourrait aussi porter l’étiquette contemporaine. Le ton est froid, les couleurs sombres et l’éclairage à la bougie du début du film rajoute une obscurité qui sied à la situation. En effet, Philippe a quelque chose à cacher. Il faut donc laisser la part belle à l’ombre jusqu’à ce moment ou tout sera mis en lumière.
SELF MADE MELVIL
Melvil Poupaud fait tout tout seul, caméra, scénario, acteur, chef opérateur, parfois même la musique quand il ne collabore pas avec son frère ou Jorge Arriagada. C’est au fil du temps qu’il s’ouvre et permet à d’autres personnages, interprétés par des amis, d’intervenir dans ses films. Il nourrit son cinéma du cinéma, son évolution est sensible tout comme sa manière de filmer. Au fil du temps le montage devient plus maîtrisé et la caméra numérique. Il conserve toutefois cette manière de tourner, sans budget, avec un scénario épuré au possible, la nuit dans les chambres d’hôtel, en tournage ou en tournée, car il aime la solitude de l’acte cinématographique et ne veut déranger personne. De plus il avoue ne pas aimer demander aux autres et ne pas aimer diriger, ce qui ne le pousse pas dans la direction du long format. L’enfant à fait place à l’adolescent qui a lui même cédé le pas à l’homme. Et si à la première vision l’univers de Melvil Poupaud est d’un accès un peu codé il ne faut point s’en étonner, car le jeune réalisateur aime à dévoiler des parts très intimes de sa vie qu’il est parfois le seul à comprendre. Il invite cela dit à vouloir en découvrir plus et suivre de près l’évolution de l’homme et du metteur en scène. La suite est annoncée pour l’automne.
En savoir plus
Interactivité :
IMAGE & SON
Le DVD de 6 films de Melvil Poupaud proposé par les éditions mk2 diffusion comporte une piste son, à savoir la version française en stéréo, dotée d’une belle qualité sonore. Les films ont été tourné sous un format VHS, Vidéo 8 ou DV, ce qui implique que l’image n’est pas toujours de grande qualité.
BONUS
- Préface de Philippe Azoury (4min17) qui nous ouvre une porte sur l’univers filmique de Melvil Poupaud. La seule approche de ce DVD qui ne comporte malheureusement aucun entretien avec le comédien-réalisateur. Cette préface est donc la bienvenue après avoir visionné les films, elle permet au spectateur de mieux comprendre ce qu’il vient de voir. Il aurait cela dit été agréable, voire indispensable, d’avoir le point de vue du réalisateur sur ses films. Qu’il explique cette envie, si tôt, de se mettre en scène, et surtout ce besoin de quasi tout faire tout seul, de l’acteur au caméraman en passant par le chef opérateur, quand il ne rajoute pas la musique. Melvil Poupaud nous fait rentrer dans son univers par le biais des films mais nous laisse sans guide une fois le mot fin arrivé. Dommage.
- Qui a tué Johnny Mac ? (3min44) Ce court métrage est un remake du premier film du DVD Qui es-tu Johnny Mac ? tourné en 1984. Neuf ans plus tard Melvil Poupaud rejoue la scène, de la même façon, et se contente sur la fin d’insérer des images du premier film. Le petit garçon qui voulait jouer au grand, se retrouve confronté à l’adulte. La boucle est bouclée.
- Bandes Annonces de trois films de Melvil Poupaud annoncés pour l’automne 2005 Le Fils – 37s Le Recours – 1min43 Le Cinéma – 1min03
Difficile d’émettre un jugement au vu des quelques secondes offertes, les 37s de Le Fils le présentant plus comme un teaser qu’une véritable bande-annonce. Cela dit Le Recours présente une histoire de famille à priori des plus banales, avec femme et enfant, alors que Le Cinéma laisse entrevoir le retour de la double personnalité, un classique du genre pour le jeune réalisateur.
- Les autres bonus constituent une présentation des films Anna Sanders ainsi que six bandes annonces appartenant à cette collection. Shimkent Hotel Le Pont du prieur Blissfully Yours Mysterious Object at Noon Pronobis